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Publié : 28 mars 2013
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Nouvelle historique rédigée par les 5e7

Moi Eustache Fromentin, journal
d’un moine au XIIIème siècle

Sommaire


Chapitre 1 : La fuite vers Rouen.

Chapitre 2 : La découverte de l’enluminure.

Chapitre 3 : La vie monastique.

Chapitre 4 : L’ange Gabrielle.

Chapitre 5 : Frère Paul.


Chapitre 1 : La fuite vers Rouen


u seuil de ma mort, je vous confie mon histoire. A vous, lecteurs, de juger si celle-ci a de l’intérêt.
Je m’appelle Eustache Fromentin. En l’année 1217, je vivais dans la seigneurie de Sotteville-lès-Rouen. J’étais fils de paysans, ma mère se prénommait Madeleine et mon père, Jean. Cette terrible année 1217, la peste me priva de mes parents. Orphelin et sans ressource, je fuis la seigneurie et j’errai sans but sur les chemins.
          Mon errance m’amena dans la grande ville de Rouen. Apeuré, affamé et épuisé, je ne savais où me réfugier après mes longues journées de marche. La ville m’apparut effrayante, immense, grouillante et la population me faisait peur. Les rues étaient étroites, sales, pleines de rats, de déchets et d’excréments.
          Une fin de matinée, je m’assis près d’une église. Cela me rassura car cela me rappelait l’église de la seigneurie, dans laquelle je me sentais, chaque dimanche lors de la messe, en sécurité.
Je vis un prêtre s’approcher de moi et m’interpeller :
« Bonjour, jeune homme.
- Bonjour, lui répondis-je.
- Que fais-tu là ?
- J’ai fui mon village infecté par la peste… mes parents sont morts…. Je suis perdu…
- Suis-moi, tu dois être gelé », me dit-il.
Il m’entraîna à l’intérieur de l’église. A peine entré, je fus ébloui par les sublimes fenêtres de couleur qui coloraient l’église.
« Ce sont des vitraux, commenta le prêtre en voyant mon air ébahi.
- C’est magnifique, lui répondis-je. Que racontent-ils ?
- Des scènes de la vie de Jésus-Christ ».

          Le prêtre m’entraîna dans une pièce à côté de l’église et m’offrit de quoi me restaurer.
« Tu dois être mort de faim. Viens donc t’asseoir à coté de moi » ajouta t-il.
Il me servit un bol de soupe et quelques tranches de pain.
« Comment t’appelles – tu ? »
- Je m’appelle Eustache, Eustache Fromentin.
- Moi je suis le prêtre Jean et tu es ici dans l’église Saint Vincent.
Que comptes-tu faire ? Connais-tu quelqu’un chez qui trouver refuge ?
- Non, je suis seul… au monde.
- Reste quelques jours ici, dans mon église ».

Chapitre 2 : La découverte de l’enluminure


uelques jours après mon arrivée, le prêtre Jean me montra une salle emplie de livres. Il en retira un de la bibliothèque et me le donna. C’était la première fois que je tenais un tel objet. Je l’ouvris et vis ce que l’on appelle des lignes d’écriture, que je ne pouvais pas comprendre, ne sachant pas lire. Jean tourna une page et je vis une image. Il m’indiqua qu’il s’agissait d’une enluminure, racontant le martyr de Saint Vincent.
          Quelle merveille devant mes yeux : Saint Vincent, auréolé par la lumière de Dieu, est arrêté par des soldats qui le torturent à cause de sa foi chrétienne. Ils essaient de le jeter aux bêtes féroces, puis de le noyer. Cependant Dieu le protège et Saint Vincent survit, recueilli par des prêtres. Que ces images sont belles et parlantes. Tant de couleurs qui éblouissent ; ces feuilles d’or sur les bordures et le soin de chaque détail… j’étais ému… si ému.
« Y en a-t-il d’autres ? Des images je veux dire… demandai-je timidement ?
- Oui, Dieu diffuse aussi sa parole par les images.
- Comment fait-on pour faire ces images ?
- Il faut devenir enlumineur, me répondit Jean.
- Enlumineur ? Quel beau mot !
- L’enlumineur est celui qui décore les textes et met en images les mots de Dieu. Elles sont fabriquées à l’aide de différents produits, comme des végétaux, de la graisse d’animal, des minéraux. Fleur de safran, racine de garance et de curcuma, cochenilles, coquillages… sont autant de produits utilisés pour fabriquer les pigments et les couleurs. L’enluminure suit trois grandes étapes de fabrication : l’esquisse, le mélange des pigments de couleurs avec la colle animale et le coloriage par couche. C’est le travail des moines, comme les Bénédictins de l’abbaye de Saint Ouen, toute proche d’ici. Je t’observe Eustache depuis que tu es ici et, j’ai remarqué comme tu es croyant, patient et habile de tes mains. J’ai pensé à en parler au Père Luc, l’abbé de Saint-Ouen, qui est une de mes connaissances. Peut-être t’accepterait-il comme novice ? »
Je ne comprenais rien à ce que Jean me racontait. Je savais juste que je voulais, moi aussi, créer ces images et être un enlumineur.
          Le lendemain, Jean et moi nous rendîmes à l’abbaye de Saint Ouen, de l’autre côté de la ville de Rouen. Arrivés place Saint Ouen, nous entrâmes dans une grande cour. Un moine, habillé d’une soutane noire, nous accueillit. Jean indiqua qu’il voulait voir l’abbé. Le moine nous entraîna vers l’hôtel abbatial et nous pria d’attendre. Un long moment s’écoula. Le moine réapparut soudain et demanda à Jean de le suivre. J’attendis un très long moment seul, à l’entrée du bâtiment.
          Jean finit par revenir.
« Le père Luc veut te voir. C’est l’abbé de Saint-Ouen », me dit-il.
Je suivis Jean et rencontrai l’abbé. Il était d’accord pour me prendre comme novice pendant plusieurs mois et pour me former à l’enluminure. J’étais fou de joie et je me sentais rassuré car je savais de quoi demain serait fait.


Chapitre 3 : Une vie monastique


our moi les journées commençaient à une heure du matin - mon dieu (c’était le cas de le dire) que c’était dur - pour assister à l’office des matines dans l’église, et au niveau des offices j’était gâté : après les matines, les laudes à quatre heures, les primes à six heures, pendant lesquelles nous écoutions la lecture de la Règle, celle qui nous disait et qui nous dit toujours ce que nous devions faire à chaque moment de la journée, les tierces à neuf heures, les sextes à douze heures, les nones à quatorze heures, les vêpres à dix huit heures et pour finir les complies à dix neuf heures. Un jour, épuisé que j’étais, je m’assoupis durant les matines. Frère Nicolas, m’ayant découvert, me fit ses remontrances, me terrorisant en me menaçant de l’enfer !
Mais vous savez, il n y avait pas que les offices. Nous novices, comme les autres moines d’ailleurs, nous nous occupions aussi des jardins, de diverses tâches comme la cuisine, couper du bois, ou encore l’apprentissage de la règle. Mais ce que je préférais c’était les heures au scriptorium, où j’apprenais la technique de l’enluminure. Il fallait commencer par tracer l’esquisse à la mine de plomb. Le mouvement devait être précis et vif. Mais il fallait traiter le support avec douceur de sorte que la mine lui semble telle une douce brise de printemps. Puis, il fallait trouver le bon mélange de pigments de couleur. Cela était le plus difficile pour moi. Mais il m’arrivait parfois de créer une très belle couleur sans en faire exprès. Heureusement Frère Nicolas était là pour m’aider et j’apprenais très vite malgré mon analphabétisme. De jour en jour, je me découvrais une véritable passion pour les lettres.
          Le travail d’un manuscrit était normalement effectué par deux types de moines différents : le moine copiste, qui rédigeait le document, et le moine enlumineur, chargé de faire les enluminures. C’est ce dernier qui apportait la dernière touche à l’oeuvre. Mais, très doué pour ce travail, il m’arrivait de faire les deux car l’écriture était devenue ma nouvelle famille.
C’était un travail minutieux et difficile pour l’ancien paysan que j’étais. J’y mettais
toute mon énergie et j’espérai devenir un fameux moine copiste.

          A treize heures venait le déjeuner dans le réfectoire, le menu - une bouillie de légumes, de truites, du fromage cru, des œufs et du vin (bien sûr les novices n’ont pas le droit de boire du vin) - n’était pas exceptionnel et parfois quand il y avait de mauvaises récoltes l’assiette était bien maigre. Un jour d’une saison de mauvaise moisson - mon ventre gargouillait tel un porc qu’on égorgeait - j’empruntai une pomme. Je m’apprêtai à rentrer dans les bâtiments conventuels quand Frère Pierre me bloqua le chemin. Il m’ordonna de partager avec les autres novices. J’obéis.
A 19 h venait le dîner ; le menu était légèrement différent de celui du déjeuner à peu de choses près, une soupe de fèves, du pain, des légumes, du fromage cru et des fruits. Mes journées se terminaient par la méditation dans le cloître.
 
          Au fil des jours j’apprenais à connaître les personnalités et le caractère de mes différents compagnons. Frère Nicolas, mon mentor, avait compris ma passion pour l’enluminure et essayait de m’inculquer son précieux savoir. Nous étions devenus avec Martial et Romain, autres novices avec qui j’apprenais la vie de moine, bons amis. Un seul novice me posait problème : Balthazar. Il me considérait comme un rival depuis que Nicolas m’avait pris sous son aile. Nicolas le tenait éloigné de lui à cause d’un évènement connu par eux seuls. Il semblait jaloux de ma bonne relation avec Nicolas. Les autres moines quant à eux étaient très pieux et m’enseignaient les principes et les objectifs de la vie monastique ; seul Barthélémy, un très vieux moine aigri, me témoignait de la méfiance.


Chapitre 4 : L’ange Gabrielle


a vie se déroulait de façon assez monotone jusqu’au jour où, alors que je m’occupais des jardins de l’abbaye, j’aperçus dans les petits jardins privés de la maison d’hôte une demoiselle : on aurait dit un ange tombé du ciel, une fleur épanouie ; la lueur de sa robe blanche aussi pure que la lumière de mille soleils m’éblouit. Je restais là, bouche bée devant tant de grâce et de beauté et quand elle faillit me voir, je m’enfuis.
Plus tard, j’appris que cet ange s’était réfugié dans l’abbaye pour fuir la peste,
celle qui a tué mes parents, qu’elle était fille d’un seigneur et se nommait
" Gabrielle ".

          Je ne pensais qu’à elle. Le soir quand je me retrouvais dans ma petite cellule, couché sur ma paillasse, je n’arrivais plus à trouver le sommeil.
Même lors de mon travail au scriptorium, son image venait me distraire de mes enluminures.
Une nuit, où mon insomnie semblait ne jamais vouloir céder, je me levai et décidai donc d’arpenter les couloirs de l’abbaye. J’effleurai de mes doigts les murs froids et humides dont émanait une odeur âcre. L’éclairage de la lune et des bougies qui menaçaient de s’éteindre, créaient une atmosphère oppressante. J’avais peur, mais j’oubliais ceci bien vite, quand le visage de Gabrielle m’apparut. J’avais le cœur chaud. J’arrivai à un virage en angle droit, et là, j’eus la peur de ma vie : une ombre m’attendait à ce tournant ! J’avançais à pas de loup. Et d’un bond je me retrouvai
face à l’origine de cette ombre : Balthazar ! Nous échangeâmes tous les deux un : « Aaaah ! » Et il me questionna avec un regard menaçant :
« Que fais-tu là ?
- Rien… je m’aérai l’esprit, c’est tout…
- Tu voulais me voler quelque chose ?
- Non.
- Si tu ne fais pas mon travail dans le jardin, demain, à ma place, je dirais à Nicolas
que tu n’es qu’un sale voleur ! »
Que répondre à cela ? Je ne pouvais trouver une répartie… C’est donc, dépité, que
j’acceptai son " offre ".
Nombre de fois, Balthazar me fit des coups fourrés. Mais je n’étais pas triste, car je
trouvais beaucoup de plaisir dans l’abbaye, et ce d’autant plus depuis ma rencontre avec Gabrielle.

          Un jour d’hiver, Balthazar tomba malade. Il était obligé de rester alité à l’infirmerie. Il ne pourrait m’importuner pendant un bon moment. Je me sentais libre ; j’en profitai donc pour aller voir si Gabrielle était là. Je retournai dans le jardin
où je l’avais aperçue la première fois et miracle elle était là, plus magnifique que
jamais : le blanc de la neige faisait ressortir ses doux yeux bleus et peinait à
rivaliser avec la pâleur de son teint. Elle portait un joli habit avec de la fourrure
d’hermine pour lui tenir chaud. Soudain, j’entendis la voix de Nicolas crier mon nom.
J’accourus à lui et il me dit de m’occuper de Balthazar qui ne se sentait pas très bien.
J’étais persuadé que Balthazar en avait fait exprès. Je ne serais jamais tranquille.

Chapitre 5 : Frère Paul.


n matin, comme d’habitude, je partis prier avec les moines. Ce matin là, Frère Nicolas m’emmena voir l’abbé de St Ouen, Père Luc.
Père Luc me félicita pour mon engagement pour Dieu et m’indiqua que le noviciat était terminé. Je pouvais m’engager dans la voie monastique en prononçant mes vœux. J’acceptai sans hésiter.
« Quel nom de moine veux-tu choisir ?
- Paul, mon Père. Paul, comme Paul de Tarse. Je veux diffuser le message du Christ, mais avec mes enluminures.
- Bien, Frère Paul. Prions ».

     Saint-Ouen m’ayant accueilli en tant que novice, je devais ensuite rejoindre une autre communauté. L’abbaye de mon ordre la plus proche était Saint Georges de Boscherville. Elle se trouvait dans la commune de Saint-Martin de Boscherville. « C’est un lieu chargé d’histoire, me dit Frère Nicolas, avec un scriptorium très actif ».
Les jours passèrent et un matin, je dus partir.
C’est le cœur gros que je quittais Saint Ouen, les autres novices et surtout Nicolas.

          Une fois arrivé à l’abbaye de Saint Georges de Boscherville, je fus émerveillé par la beauté de l’abbaye et la taille de ses jardins. Je fus accueilli par Frère Thomas, responsable du scriptorium. L’endroit était plus grand qu’à Saint Ouen. Nous étions 12 moines, dont huit copistes et quatre enlumineurs.
Un peu perdu dans les bâtiments conventuels, je cherchai un moment ma cellule. Je finis par la trouver et installa le peu d’affaires que je possédais, un chapelet, un crucifix, un livre de messe.
Je m’habituai aux nouveaux lieux. Le scriptorium était un trésor, avec une salle beaucoup plus grande qu’à Saint-Ouen et contenant davantage de manuscrits.
Quelques années plus tard je réalisai seul une enluminure, celle de Saint Georges. Je le représentais en chevalier, accompagné de son destrier blanc, en train de terrasser un dragon aux couleurs sombres. De temps en temps, l’image de Gabrielle venait éclairer mon esprit, me réchauffant le cœur.
          Au seuil de ma mort, je suis serein de rejoindre le royaume de Dieu, l’ayant servi toute mon existence par les couleurs et les images. Souvenez-vous d’Eustache Fromentin, devenu Frère Paul, enlumineur de Saint Georges..


Sommaire des illustrations
tirées des Archives départementales de Seine-Maritime :


- Registre de Saint Vincent, enluminure du XVIe siècle, p 6.

- Plan aquarellé de l’abbaye de Saint-Ouen, XVIIIe siècle, p 9.

- Saint Georges terrassant le dragon, enluminure du livre de compte de l’abbaye de Saint Gorges de Boscherville, XVIe siècle, p 14.

Nouvelle historique écrite par la classe de 5e7 du collège Jean Lecanuet dans le cadre de l’action intitulée Ecrire avec les archives, Mars 2013.